Roues Libres : Interview de Julie Animithra (complète)

Interview donnée à l’occasion de la campagne Ulule de Roues Libres, qui se déroule ici.

SolÉditions : Bonjour Julie, SolÉditions est ravi de pouvoir mener cette interview. Tu es læ président·e de Sociolution, et par conséquent de notre pôle, mais ce n’est pas tous les jours que tu peux être interviewé·e. D’habitude, c’est toi qui as cette initiative. Tout d’abord, comment vas-tu ?

Julie : Hmmmmmm. Joker ? Non, il n’y en a pas dans le jeu alors euh, je vais dire que actuellement quasiment tous les secteurs de ma vie ont une carte tracas et je me sens un peu bloqué·e. Mais comme on dit « This too shall pass ».

SolÉditions : Parle-nous un peu de toi : quel est ton rapport aux jeux de société de manière générale ?

Julie : J’ai grandi en famille d’accueil, avec un membre de ma famille très problématique, qui m’a beaucoup traumatisé·e par rapport à mon autisme, non diagnostiqué à l’époque. Par chance, mon père de cœur était tout l’opposé, très inclusif et m’a donné très tôt le goût pour toute sorte de jeux, des cartes aux jeux de réflexion, en passant par les jeux de société.

Cela a toujours été associé à quelque chose de très positif pour moi : des moments chaleureux, un côté défi aussi parce qu’on faisait aussi des jeux de rapidité, de stratégie, d’énormes puzzles, et j’inscris beaucoup les jeux dans la croissance personnelle.

J’adore les jeux qui permettent de penser et s’exprimer autrement (comme « Dixit » ou « Concept »), tout ce qui peut être compétitif ou collaboratif au choix, je crois fortement que le jeu est le meilleur vecteur d’apprentissage et que c’est un bon support pour se détendre, se défouler, qu’on a tendance à sacrifier dans la vie, au motif que le divertissement s’opposerait à la productivité alors que cette dernière est problématique et qu’on sait depuis des siècles qu’il y a un côté exutoire vital dans le jeu.

SolÉditions : Tu dis que pour « Roues Libres », tu t’es inspiræ du « 1000 bornes ». À quel moment de ta propre vie le déclic a-t-il vraiment eu lieu pour concevoir cette « roue de la vie », que tu utilises depuis plus de huit ans ?

Julie : Alors, juste pour éviter toute confusion, je n’ai pas créé la « roue de la vie », c’est un concept que j’ai découvert dans un livre que je recommande à tout le monde (pas juste les pros accompagnants), intitulé « pro-active coaching », qui est en français contrairement à ce que le titre peut suggérer.

Ce livre enseigne comment approcher les problèmes des autres pour les accompagner vers une solution qui vient d’elleux, plutôt que d’imposer une solution. C’est une lecture qui m’a été conseillée par un ancien coach, quand j’expliquais que je voulais garder mon cap de « solutionneuse » en carrière et dans mon quotidien.

Si j’ai réorienté ma carrière depuis (même si le fond reste similaire), j’ai conservé cette approche de la recherche de solution, parce que je crois fortement à l’idée que tout changement vient de soi et que cette approche consistant à questionner/orienter, comme le font les (bons) soignants est essentielle dans la vie.

Il y a 15 ans, je suis revenue sur le concept de roue de la vie présenté dans le livre, parce que je me sentais perdue et que mon thérapeute soulignait, à raison, que j’avais tendance à vouloir changer 1 secteur bien particulier de ma vie, vouloir atteindre une forme de perfection dedans, avant de m’autoriser à passer au suivant. Il a mentionné ce concept de roue de la vie et j’ai réalisé que j’avais complètement laissé le sujet me « passer au-dessus ». J’ai repris ce point du livre et ça a fait « clic », tout faisait sens et je me suis dit qu’il fallait que je l’intègre à mon quotidien si je voulais garder le cap.

À titre personnel, je l’ai longtemps utilisé par trimestre, pour me fixer des objectifs et faire des points réguliers, corriger le tir, etc. Depuis que j’ai des enfants, j’essaie de le faire plus souvent et de les intégrer, à l’origine sans même aborder la question de la roue, juste en attirant leur attention sur certains sujets.

SolÉditions : Ah oui, d’accord, nous voyons où tu veux en venir. Et du coup, tu expliques que les règles sont adaptables. Imaginons, enfants et grands-parents jouent ensemble à Roues Libres : quelle version prendre ? Peut-on mélanger les deux versions ?

Julie : Pour du jeu multigénérationnel, j’aurais tendance à dire qu’il y a deux solutions :

– Tout le monde joue à la version junior, ce qui peut être très positif pour mieux entendre les questions / réflexions / besoins des enfants.

– On joue en croisant les versions, cela ajoute un peu de stratégie sur à qui donner (ou pas) les cartes qu’on tire.

Dans tous les cas, les deux versions véhiculent le même message : pour avancer dans la vie, on a besoin de prêter attention à plusieurs éléments au quotidien, comme la santé, la vie à plusieurs, etc.

Les différences entre les versions résident dans les conditions de victoire pour le côté jeu, les systèmes de réflexion pour le fond et ce qui peut être utilisé dans le quotidien, comme « comment je fais attention à mon hygiène » pour les enfants (avec le fait de se laver les mains, les dents, etc) là où pour les adultes, on a des réflexions plus pointues, comme « comment vraiment être satisfait·e de ma carrière » (réorientation pro, formation, promotion…).

Dans tous les cas, la démarche que j’ai avec ce jeu, c’est de créer des moments d’échange, de discussions, de partage et des supports ludiques au quotidien. Les règles qui vont avec le jeu sont réputées « par défaut » et incluent la mention très claire qu’elles peuvent être adaptées comme on le veut pour passer le meilleur moment possible, parce que c’est ce qui compte. Personne n’aime passer 3h à lire des règles complexes ou à se disputer pour savoir si on a le droit d’adapter ou pas.

SolÉditions : Notre curiosité n’en est que plus aiguisée. Il y a une question qui nous brûle les lèvres : as-tu envie de créer d’autres jeux dans la même veine ?

Julie : Je vais définitivement créer d’autres jeux.

Pour moi, les jeux sont un moyen d’inclure et sensibiliser, exactement comme je le fais à travers mes romans.

En fait, à l’origine, mon premier jeu aurait dû être un roman façon « livre dont vous êtes le héros », mais pour diverses raisons, ce projet a été reporté.

J’ai déjà deux autres jeux en tête, dont un qui est quasiment entièrement prototypé, et sera un jeu d’enquête un peu à la Unlock pour les gens qui connaissent cette excellente série (si vous ne connaissez pas, découvrez, les versions junior sont excellentes aussi). Il aura un fond militant (je n’en dis pas plus, je veux bien spoil).

Ce qu’il manque pour le finaliser, c’est le budget pour les illustrations (8000€, il y a énormément de travail).

L’autre jeu sera probablement sous forme de murder party, liée à un roman policier de Nate Byrne, à venir chez SolÉditions (oui, j’annonce ainsi un auteur qui va venir chez nous, avec deux romans d’un coup en prime !)

Et ensuite… bah ça dépendra du temps, des sujets qui m’importent, de là où je serai à l’avenir vu que pour l’instant, mon futur post mois d’août est très incertain x).

SolÉditions : Un nouvel auteur… Eh bien, nous, nous le savions, mais ce n’était pas le cas de celleux qui nous suivent ;). Sinon, en dépit de ta dyspraxie, tu as souhaité fabriquer ce jeu de tes propres mains. Explique-nous ta démarche, est-ce en rapport avec justement l’un des huit secteurs du jeu ?

Julie : J’adore tout ce qui est fait main, je trouve que c’est une façon de se connecter aux autres, c’est un challenge personnel aussi, donc oui, ça va avec mes secteurs des relations et du développement personnel.

Il y a un côté satisfaisant à se dire qu’on l’a fait soi-même. Est-ce que je risque de regretter si on vend 1000 exemplaires ? Pas du tout. La difficulté ne me retire pas le plaisir de le faire, j’aurai mal aux mains à la fin, comme quand je fais des petits objets au crochet pour les gens que j’aime.

SolÉditions : Si l’on te demandait d’intervenir dans les classes, de maternelle, d’élémentaire, de collège ou même de lycée pour présenter ton jeu et faire jouer des élèves, accepterais-tu ?

Julie : Oui ! Sans la moindre hésitation ! Je trouverais cela absolument génial que des établissements m’offrent cette opportunité, car je crois que bien équilibrer sa vie est une bonne façon de mieux écrire son avenir, donc en parler dans des milieux scolaires fait tout à fait sens.

Je serais aussi ravie de pouvoir en discuter avec des thérapeutes qui font des sessions en groupe, ou en famille, et qui voudraient en faire un outil. Je discuterais aussi volontiers d’autres jeux-outils qui pourraient leur être utiles, ce serait probablement très enrichissant pour tout le monde comme expérience.

(voilà, le message est passé :D)

SolÉditions : Bien, bien, bien. As-tu un dernier mot à dire ?

Julie : Ne bradez pas vos valeurs et prenez soin de vous. Créer et tester le jeu pendant les phases de prototypage m’a rappelé à quel point, quand on veut prendre soin de soi et de sa vie, ses espoirs pour le futur, il est indispensable de le faire au jour de ses valeurs fondamentales. Si parfaite que soit notre vie sur le papier, si votre carrière s’inscrit en porte-à-faux de vos valeurs éthiques, si vous avez une super maison mais qu’elle ne correspond pas à vos valeurs du quotidien, vous vous sentirez toujours à côté de vous-même et, trop souvent, on culpabilise et on se sent ingrat·e au lieu d’identifier ce problème.

Et merci à SolÉditions de soutenir ce projet, à toutes les personnes qui ont d’ores et déjà contribué à la campagne Ulule, et à toutes celles qui me rappellent pourquoi le jeu est un besoin et une opportunité de croissance.

Pour lire l’ensemble des articles où Julie présente son projet : c’est par ici

Pour participer à la campagne Ulule et lui donner de la force : Roues Libres

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